rendez-vous
Ce matin, ou hier, j'ai fait un rêve improbable d'un vrai souvenir.
A quinze ans, je sortais beaucoup et j'avais un amoureux. Il ressemblait à Harvey Keitel. Il faisait de la lutte bretonne, avait les cheveux longs et crépus et toujours autour du cou un petit lacet en cuir usé. Une moto. Nous riions beaucoup. Il avait 4 ans de plus que moi. Scorpion, comme moi. Quand, dans la semaine, nous étions séparés il m'écrivait une lettre. De jolies lettres, pas les bêtises qu'on a toutes reçues des amoureux éconduits qui nous clamaient leurs flammes pleines de fautes d'orthographe grotesques ! Son humour était fin et son écriture était belle. Je riais en le lisant.
Joli garçon, petit mais bien foutu, un regard espiègle et une vive répartie. J'avais trouvé mon alter ego, je pense. Je le pense encore. Mais on n'est pas sérieux quand on a quinze ans. On s'est quittés un soir d'automne, quelques semaines après mon anniversaire, qu'il m'avait fait la surprise de venir fêter avec moi. Mon cœur battait la chamade. Sans histoires, on s'est quittés. Pour aller voir ailleurs. Puis, un soir de l'an, une nuit entière ensemble. I talk to the wind de King Crimson pour se réveiller dans ce vieux moulin, loué 50F et partagé par toute sorte de loufoques sympas portant des surnoms rigolos. Mes potes d'une époque.
On ne s'est pas revus. Il s'est tué en moto 10 ans plus tard. Quand je l'ai su j'étais enceinte. Mon fils est né le jour de son anniversaire.
Je n'ai pas une seule photo. J'avais quinze ans… et pourquoi est-ce encore aussi frais ?