La mère [re]père
Pourquoi l'idée que mes enfants souffrent m'est-elle si complètement
insupportable, alors que je dors, dîne et baise en paix
quand ceux des autres s'écrasent en autocar, se cloquent au napalm,
ou crèvent de faim sur le sein flapi d'une négresse efflanquée ? "
Pierre Desproges. Chroniques de la haine ordinaire
Être mère. L'insouciance s'en va à la minute même où l'on met au monde. Et on en prend pour le reste de la vie. Les étapes successives sont autant de chemins parcourus ; tracées, prévues, chaotiques, joyeuses.
Quand je suis partie avec mes enfants sous le bras, c'était une fuite. Une fuite vers la paix. Tant que les enfants sont petits, il est vrai qu'il n'est pas difficile d'assumer seule. On parle beaucoup de la fête (quotidienne) des mères quand les enfants sont petits… Colliers de nouilles et autres bisous mouillés ont fait le bonheur de bien des mamans attendries. Je mentirai en disant que j'étais seule, puisque mon entourage proche familial et amical a sa bonne part de contribution à l'équilibre de mes petits. Donner aux deux, gronder, consoler, amuser, nourrir, aller chercher, aller emmener, soigner, discuter, défendre, interdire, serrer contre soi, encourager, féliciter, embrasser, reprendre, exiger, engueuler… Une série (non exaustive) de verbes qui pourrait faire croire que l'on peut être le père et la mère. Mais il manque toujours quelque chose à quelqu'un dans une fraterie.
Et quand la mère est le repère le plus stable, c'est à elle que les enfants, quand ils grandissent, se fient, se confient… Elle qu'ils défient… Vers elle qu'ils se réfugient…
A grand renfort de discussions passionnées, d'engueulades sans ménagement, de ras-le-bol, exprimé ou non. Épuisant ! Fatiguée parfois d'avoir à assumer seule le devenir de ces petits qui (en un rien de temps je vous jure !) sont devenus grands. Il faut savoir écouter, conseiller ou dire qu'on ne sait pas ! Je suis là, à midi comme à 3 heures du matin. Je ne serai jamais sereine s'ils ne le sont pas. Quand on fait des enfants, on ne mesure pas à quel point la légèreté nous échappe. On le mesure plusieurs années après, quand on a avancé dans la vie, cahin caha. Dans les moments de doutes, une mère peut trouver injuste sa situation, en vouloir au père et à la terre entière, de ne pas être aidée, soutenue, parfois même par ses enfants. Il faut alors se détacher doucement…
Vivre pour soi aussi à présent. Mais toujours un portable (bénissons-le) à portée de main !!